Le Figaro parle de « coup de théâtre dans le monde de l’art », Pierre Rosenberg de « découverte sensationnelle ». Mais ce sont surtout les auteurs de manuels scolaires qui vont devoir revoir leur copie. En effet, le portrait de Diderot par Fragonard, celui qu’on nous présente depuis trois siècles comme étant une représentation de l’auteur de Jacques le fataliste, n’en est pas un. A vrai dire, on ne sait même pas qui Fragonard a voulu dépeindre, une fantaisie dit-on. C’est le musée du Louvre qui vient de révéler l’arnaque.
Personne (ou presque) n’avait pour l’instant eu l’idée de trouver étrange que l’autre célèbre portrait du philosophe des Lumières par Van Loo présente notre homme avec des yeux marrons tandis que Fragonard lui prête des yeux bleus. Diderot aurait-il eu recours à des lentilles pour prendre la pose ? Nullement.
Plus sérieusement, c’est lors d’une vente aux enchères chez Drouot que des spécialistes de l’histoire de l’art ont pu comprendre les raisons de ce petit changement esthétique. Un des objets mis en vente était une feuille avec 18 croquis du peintre correspondant à ses tableaux. Treize de ces dessins portent la légende de la personne représentée, or sous celui de Diderot (pardon, l’inconnu) la légende comporte bien un nom, désormais illisible, mais qui n’est en aucun cas celui de Diderot a déclaré Vincent Pomarède du Louvre de Lens.
Le tableau aura maintenant pour titre « Figure de fantaisie autrefois identifiée à tort comme Denis Diderot », faute de mieux. L’œuvre sera exposée à l’antenne du musée du Louvre à Lens à partir du 12 décembre. Il faudra donc se contenter du tableau de Louis-Michel Van Loo, peint deux ans plus tôt en 1767, une œuvre que beaucoup s’accordent à qualifier de conventionnelle par rapport à celle de Fragonard. Cette dernière est inachevée, mais a souvent été jugée comme plus inspirée, en dépit du teint quelque peu rougeaud du philosophe.
Quoi qu’il en soit, ce n’est pas un simple changement d’étiquette qui effacera Diderot version Fragonard de nos esprits. Comme le rappelle à juste titre Philippe Sollers dans Le Figaro, le portrait est profondément ancré dans l’imaginaire collectif. « La touche enlevée de Fragonard, sa vitesse d’exécution, son brio, sa puissance créatrice, correspondent à l’esprit de l’auteur des Bijoux indiscrets » estime l’auteur de la Fête à Venise.
Source : Actualitté